Le dramatique récit de M. Fourneret
M. Georges Fourneret, attaché parlementaire, délégué au Sénat, pour le ministère de la Marine marchande, a assisté à toute la scène. En portant secours à M. Léon Blum, il a été lui-même frappé très violemment et il souffre de contusions multiples.
Voici mot pour mot le récit qu’il a bien voulu nous faire.
— J’allais déjeuner et je suivais le boulevard Saint-germain, lorsqu’à la hauteur du ministère de la Guerre, je vis une troupe hurlante qui entourait une auto ? Aux cris de « À mort Blum ! À bas les sanctions ! » ces énergumènes brisaient les vitres de la voiture. M’étant approché, je distinguai à l’intérieur Léon Blum qui, déjà couvert de sang, tentait de se protéger le visage. Au volant je reconnus M. Monnet, député de l’Aisne, et près de Léon Blum, une dame que je sus plus tard être Mme Monnet.
« Je voulus m’interposer et raisonner les agresseurs. Mais ceux-ci étaient littéralement fous furieux et en nombre considérable : quatre à cinq cents au bas mot. On me frappa à coup de poing et de pied, heureusement, je suis assez solide et, jouant des coudes, je réussis à atteindre l’auto et à m’accrocher à la portière de droite.
« Pendant ce temps M. Monnet essayait de remettre la voiture en marche en direction de la rue de l’Université. Il ne put y parvenir car les bandits nous suivaient comme une meute féroce et nous encerclaient complétement ? Enfin un agent survint — qui se montra d’ailleurs très courageux — puis un autre. À nous trois aidés de M. Monnet, nous pûmes faire sortir Léon Blum de l’auto. La vue du sang dont M. Blum était inondé parût encore augmenter la fureur des gens d’Action française et il se passa en plein milieu du boulevard uns scène sauvage d’une atrocité révoltante. Certains camelots frappaient Blum à coup de pied dans le ventre, d’autres cherchaient à le jeter à terre, où sans aucun doute ils l’auraient piétiné. « À mort Blum ! À mort Blum ! » hurlaient-ils, et cela était proféré d’une voix si sauvage qu’en un éclair j’ai entrevu le danger mortel qu’effectivement nous courions. Pendant sept à huit minutes je vous affirme que je n’aurais pas donné cher de ma vie. « S’ils tirent, pensais-je nous y passons tous : Léon Blum, M. et Mme Monnet, les deux agents et moi. »
Finalement une brèche providentielle s’est ouverte devant nous et nous avons pu courir jusqu’à l’immeuble portant le numéro 100 du boulevard Saint-Germain ( rue de l’Université), juste en face l’entrée principale du ministère de la Guerre, mais là on n’ouvrit pas. Ce furent des ouvriers qui travaillaient à côté, au 98, qui nous appelèrent. La porte se referma sur nous. C’était le salut. Plus tard, les agents arrivèrent et déblayèrent l’entrée de l’immeuble ce qui ne m’empêcha pas d’être encore une fois frappé lorsque je sortis pour faire prévenir M. Bracke à la Chambre (le doyen de la Chambre).
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Témoignage du citoyen Fischel
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J’aurai voulu m’interposer mais j’étais littéralement noyé dans une foule de camelots qui criaient « À mort Blum ! À mort Blum ! »....................
« Horrifié, je vis un des assassins porter à Léon Blum un grand coup de pied au ventre. »
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Les témoignages de Roger Hagnauer et de Clémentine Barthez
Nous avons pu joindre Roger Hagnauer, secrétaire de la Fédération de la Seine de la Fédération de l’Enseignement, et Clémentine Barthez de l’Hérault .....
— Il était environ midi quarante-cinq, nous sortions du 94, rue de l’Université, siège du syndicat national des instituteurs..... Nous avons aperçu Léon Blum dont le sang coulait en abondance. ...
« Les types continuaient à taper sur Blum. Qu’on ne raconte pas qu’il s’agit d’une manifestation de public ou de passants. J’affirme que ceux qui poursuivaient Blum étaient des individus ayant un brassard et faisant le service d’ordre pour l’enterrement de Jacques Bainville. .....
Et Clémentine Barthez d’appuyer :
— Oui, ils avaient des brassards...
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Un couple de braves gens
Poursuivant notre enquête, nous nous sommes rendus, dans l’après-midi, 98, rue de l’Université. .... Les concierges nous content à leur tour comment le président du Groupe Socialiste au Parlement a été victime d’une agression. ..........
Ce sont des ouvriers du bâtiment - ils étaient six - qui apercevant au loin l’échauffourée sont sortis avec nous, ont fait rentrer Léon Blum et se sont placés avec deux agents devant la porte pour empêcher que le passage fut forcé.
Ce que nous dit Germaine Monnet
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Je suis persuadée que nous y serions passés, nous dit notre camarade. ..............
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