13 novembre 1936, Chambre des députés
Extrait du discours de Léon Blum, Président du Conseil,
M. le président du conseil. Peu importe, messieurs, que la boue rejaillisse sur le renom de la France, si l'honneur d'un adversaire peut en être souillé. (Applaudissements à l'extrême gauche et à gauche)
Je vous en prie, méditez cela.
Et puis, je vous le demande aussi, pensez à l'homme, car il y a un homme dans cette affaire, un homme avec un cœur d'homme (Applaudissements à l'extrême gauche et à gauche), un homme qui est votre collègue, que vous connaissez tous.
Il y a un homme qui, depuis des semaines, est affreusement torturé. (Interruptions à droite.)
Oh ! je le sais bien, messieurs, et vous le savez comme moi, on essaie dans ce cas-là de contraindre, de refouler en soi sa souffrance. On dit à ses amis : Ce n'est rien, cela ne compte pas.
Et puis, quand les amis vous suivent des yeux, ils vous voient un visage altéré. Alors, ils éprouvent dans leur amitié, dans leur tendresse, à quel point un cœur d'homme peut être rongé par une calomnie comme celle-là.
Peut-être, Roger Salengro, n'en avez-vous pas encore suffisamment l'habitude. Vous vous y ferez sans doute, avec le temps.
Mais, pour les infâmes, cette souffrance infligée à un homme n'a pas plus d'importance que l'atteinte portée à la nation.
Je dis tout cela, messieurs, sans passion aucune, parce que j'ai pris l'habitude. Mais je dis aussi que cela ne peut plus durer. (Vifs applaudissements à l'extrême gauche et à gauche – MM les députés siégeant sur ces bancs se lèvent et applaudissent )
C'est ce que je vous demande d'affirmer aujourd'hui, et je remercie cordialement M. Becquart de vous en avoir fourni l'occasion.
Vous êtes, messieurs, les représentants de la souveraineté nationale, et c'est votre vote qui doit être la sentence définitive. Vous n'avez pas à acquitter l'innocent, les juges militaires s'en sont chargés ; mais vous avez, vous, à flétrir les coupables.
(Vifs applaudissements à l'extrême gauche et à gauche. – MM. les députés siégeant sur ces bancs se lèvent et applaudissent. – M le président du conseil, de retour à son banc, donne l'accolade à M. le ministre de l'intérieur.)